Le four banal (par Jean Joguet)

Le four banal

2 articles publiés en novembre 1954 et juin 1957 dans
L’écho des Sirènes

Le 26 septembre 1597, Antoine Courault, baron de Châtelaillon et seigneur d’Angoulins, affermait à Etienne Dupuy, greffier des tailles royales de la dite paroisse, pour la durée d’un an à partir du 1er octobre «le four à bans et contraintes sur les tenanciers d’Angoulins appartenant audit seigneur et oultre le droit de pouvoyr coupper rousches au marays dudit seigneur et aultres marays limitrophes et communaulx...» Etienne Dupuy, le futur fermier, était une personnalité à Angoulins ; à la fin du XVIe siècle, nous le voyons acquérir de nombreux biens et passer de nombreux actes devant le notaire de la châtellenie.
A cette époque, il n’y avait pas de four banal, ou plutôt, il n’y en avait plus. Aussi «ledit seigneur promet faire oedifier et construire à ses despens audit bourg en lieu convenable et ce dans le temps et durée de troys moys prochains et plustost sy faire se peut...» un four et, en attendant, Etienne Dupuy pourra se servir de celui qu’il possède dans sa maison «sous ledit tiltre de banyer». Et il sera «tenu faire fournées convenablement... les jours de mardy, jeudy, sabmedy de chascune sepmaine... il aura le droit de prendre la 1/16e partie de toutes les pastes qui se fournairont audit four bannier durant ledit temps d’ung an...» Le bail est fait pour la somme de cinquante écus. Ce four, nous le retrouvons lors de la visite des biens de la seigneurie d’Angoulins ; il se trouvait face à l’entrée principale de la maison de Jousseran. En 1672, il avait soixante-quinze ans, et comme tous les vieillards, il avait besoin de renouveau, d’autant plus que son service était quasi-journalier et que les successeurs de Louis Berne ne l’avaient guère entretenu ; en 1741, son état n’est guère meilleur et ce four qui «convient à cuire trente-trois boisseaux de paste est» jugé «très vieux et caduc... il est hors d’estat de cuire les pastes des tenanciers de ladite chatelanie...»
En 1775, il appartenait, comme la seigneurie d’Angoulins, au domaine royal et c’est l’Intendant de La Rochelle qui le fait réparer et remettre à neuf. De cette affaire, j’ai longuement parlé en novembre 1954 et je n’y reviendrai point, mais ma curiosité est grande de savoir où il peut bien être.

Un petit dossier des Archives départementales nous livre, ce mois-ci, un des aspects de la vie d’Angoulins à la fin du XVIIIe siècle. Il n’existait à cette époque, de boulanger que dans les villes ; dans les campagnes, il y avait un fournier chargé d’enfourner les pâtes que chacun apportait.  C’était en quelque sorte un fonctionnaire qui cuisait le pain de la paroisse ; le four était commun ou plutôt «banal» car il appartenait au seigneur et c’était une obligation pour les manants de s’en servir.
Source de revenus pour le seigneur c’était pour lui un devoir de l’entretenir. En 1775, le four banal d’Angoulins tombait en ruine et le Domaine royal à qui il appartenait maintenant, se chargea de le rendre convenable à sa destination d’établissement public. Le 2 avril, une lettre de Paris prescrit à l’intendant M. de Montyon, de faire visiter promptement le four et le bâtiment du fournier ; le 15 mai, le devis des réparations est dressé par le sous-ingénieur des Ponts et Chaussées et le 2 juin suivant, on prie l’intendant de faire adjuger les travaux. Des affiches sont apposées ; les 31 juin et 7 juillet, il ne se présente personne à l’adjudication. Enfin, le 17 juillet, les travaux sont adjugés pour le prix de 855 livres 13 sols 9 deniers à un entrepreneur, Etienne Bouffard. Le 12 septembre, un arrêt du Conseil d’Etat du Roi approuve ladite adjudication et fixe les modalités du paiement du prix. Encore quelques mois et le 27 avril 1776, le sous-ingénieur donnera à l’entrepreneur le certificat de réception des travaux.
Quelques détails ont pu être retenus dans le devis. Le logement du fournier comportait deux pièces, une chambre basse et une chambre haute de 10 toises 1 pied 8 pouces de surface (19m2 environ), communiquant entre elles par un escalier de 15 marches. Dans le fournil, il y avait deux tables pour faire le pain. La voûte du four, qui était «minée et crevée à sa clef» en 1775, fut refaite en entier. Une des boulangeries qui se sont succédé à Angoulins au cours du XIXe siècle a peut-être hérité du four banal. Je n’ai pu découvrir son emplacement exact, mais il est quelque peu invraisemblable qu’un bâtiment si solidement restauré en 1775 n’ait point laissé de traces dans une période assez récente ; quelques anciens pourront peut-être me renseigner à ce sujet.

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