Le 20 janvier 1810 à la Pointe du Chay


Nous avons ici choisi de vous présenter une lettre écrite par le maire d’Angoulins en 1810. Elle s’articule autour d’événements réels qui constituaient à cette époque, le lot quotidien des angoulinois.  Vous sentirez sûrement en quoi le récit factuel demeure aujourd’hui l’illustration idéale de l’action historique. 
Avant d’apprécier ce témoignage unique et singulier, replaçons nous d’abord dans le contexte de l’époque. 
En 1681, une ordonnance a établi sur notre littoral une milice chargée de garder nos côtes. Composée des angoulinois mâles, valides et majeurs, celle-ci constituait une première défense terrestre contre un assaut ennemi. Renforcée en temps de guerre par des garnisons et bataillons extérieurs elle restait toutefois essentiellement constituée de nos chers paroissiens. A chaque alerte, la cloche de l’église et le tambour sonnaient et battaient  la générale : alors, s’armant de tout objet susceptible de constituer une bonne protection (fourches, fusils de chasse...) nos gardes côtes angoulinois gagnaient leurs postes dans les forts du Chay ou de la Motte Greney. 
Les temps les plus agités de ces activités et exercices défensifs restent, pour nos ancêtres, l’époque du blocus économique et militaire du début du XIX°Siècle: en effet des goëlettes anglaises mouillaient et croisaient au large de nos côtes empêchant ainsi tout commerce par voie de mer ou déplacement en navire. 
Tenant en respect les menaçantes péniches anglaises, l’arsenal, conservé dans nos batteries, se constituait en tout et pour tout de mousquets et de canons, prêtés par la préfecture.
Voici maintenant ce que, le 21 janvier 1810, le maire d’Angoulins, M. Bérigaud, écrivit au sous-préfet de la Charente Inférieure :
"J’ai l’honneur de vous prévenir que hier soir, depuis cinq heures jusqu’à huit, il est arrivé à la Pointe du Chay, en cette commune, un événement aussi fâcheux que celui du 10 courant. En effet, un convoi de bâtiments marchand, faisant tentative de passer devant le poste du Chaix, sept à huit d’entre eux chargés de vin et d’eau de vie, furent poursuivis par six à sept péniches anglaises, qui les forcèrent de se placer sous les batteries de ce poste, sud et nord, et à une portée de pistolet de ces derniers. J’en fut informé. Je fis battre, sur le champs, la générale, et tous les habitants s’y portèrent vers les six heures, avec le tambour, au pas de charge, mon adjoint à la tête. Je suivis immédiatement nos habitants armés de fusils de chasse, pour ceux qui en avaient, et malgré la canonnade qui dura près de trois heures, les péniches parvinrent à mettre le feu à quatre de ces bâtiments ; trois autres se retirèrent dans une anse au nord, les voiles à demi emportées par les anglais, ceux-ci n’eurent pas le temps d’y mettre le feu nonobstant les tentatives qu’ils firent à plusieurs reprises. La fusillade qui suivit les en empêcha. Là nos habitants, avec les canonniers, se montrèrent dignes de courage, et particulièrement M. Louison Seignette qui a tiré avec toute l’activité dont il est capable, mais malheureusement l’essieu supportant la pièce de campagne de huit cassa au deuxième ou troisième coup ; il n’avait pas de munitions pour celle de quatre, il ne restait plus que les grosses pièces a demeure et desquelles les châssis se trouvait dérangés, et ce fut à ce moment que la mer perdante fort heureusement que les anglais se retirèrent ; ils eurent l’adresse de capturer les capitaines et matelots de deux équipages. Je ne sais pas le nom de ces bâtiments, ce sont des bretons, imprudents à passer lors des vents calmes. Les trois autres sont encore mouillés dans la même place de hier, ils ont tout à craindre d’éprouver le même sort que les autres, une goëlette anglaise les tient en échec. Ce fut vers les neuf heures que la majeure partie des habitants d’Aitré arrivèrent au Chaix, en arme, et à dix heures et demi un détachement du dépôt de La Rochelle. Il n’était plus temps, le mal était fait. Le poste du Chaix à donc tout à craindre, et bientôt les anglais s’en empareront et suivront le projet qui est tissé par eux de faire le mal dans les campagnes qui éprouveront peut-être le même sort des bâtiments brûlés ; il est donc urgent qu’il y ait au moins quarante hommes de troupe de ligne à Angoulins pour donner du secours à ce poste important. Jusqu’à présent j’avais craint d’armer nos habitants par le peu de soin qu’il ont ordinairement  de leurs armes, mais aujourd’hui il est indispensable qu’ils le soient. Ils se sont montrés digne de courage et demandent des fusils. Veuillez monsieur le sous-préfet solliciter de trente à quarante fusils que je ferai prendre à l’arsenal lorsque vous m’en donnerait, le cas est urgent. Je vous donne avis aussi que j’ai requis la nuit dernière a onze heures, un farinier pour, avec ses trois chevaux, aller chercher, à l’arsenal, un demi caisson pour la pièce de quatre ; ces transports sont si multipliés dans cette commune que bientôt leurs chevaux ne pourront plus tenir. Ces malheureux n’ont aucune rétribution pour ces charrois, néanmoins je pense qu’en pareil cas, le gouvernement pourrait leur faire passer quelque chose pour ces transports, qui sont pénibles. Veuillez, monsieur, vous prêter à cette circonstance d’autant plus juste que sans le préalable je n’oserai plus trouver de réquisition. J’ai l’honneur de vous saluer très respectueusement. Le maire d’Angoulins. Bérigaud."

Une importante correspondance entre les services municipaux et ceux de la préfecture relate le conflit. A plusieurs reprises, d’autres navires furent incendiés par les anglais comme la Bonne Rencontre chargé de poisson salé, La Camille chargé de froment, le Mabrouk, le Bougainville, la Jeune Emilie et bien d’autres. Tous furent brûlés sur les côtes d’Angoulins. 
Mais nous aurons sûrement l’occasion de vous raconter plus tard les nombreux autres épisodes du conflit :  les rapports de force entre les gardes-côte et les anglais, les réquisitions de fariniers, le logement des troupes dans le village, les revues dans la garenne d’Angoulins et de Châtelaillon, le fourneau à boulets de la Pointe du Chay ainsi que les corps de garde de la Motte Grenet ou du Chay...


(Petite note de Denis Briand parue in Angoulins-Châtelaillon, Articles et curiosités historiques, pp. 182-184)


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