Devenir garde d’une gruerie à la fin du XVIIIe siècle : l’exemple de François Guerry en la seigneurie d’Angoulins

Sous l’Ancien Régime et au niveau local, le titulaire d’une charge est tout d’abord nommé par lettres de provisions du seigneur. Leur obtention est donc la première étape pour quiconque ambitionne d’être titulaire de responsabilités publiques. Depuis ce moment clef, nous avons pu retrouver trois documents inédits nous permettant de suivre l’établissement de François Guerry dans ses fonctions de garde de chasse et pêche de la gruerie d’Angoulins. De la première ordonnance du sénéchal d’Angoulins au serment définitif du requérant, nous avons tenté de brosser les différentes phases de cette procédure jusqu’alors méconnue pour Angoulins.

L’émission des lettres de provision

C’est le 25 novembre 1786, en son château de Chatou, que messire Henry Léonard Jean Baptiste de Bertin, seigneur de la châtellenie et haute justice d’Angoulins décide d’accorder des lettres de provisions  de « garde des bois, chasse, pêche, ruisseaux et terres dans toute l’étendue de la dite seigneurie et châtellenie d’Angoulins », à un certain François Guerry.

François Guerry

L’homme pressenti est une personnalité demeurant au bourg d’Angoulins. Nous savons qu’après une formation de charpentier, il devient brûleur, propriétaire, mais qu’il est toutefois plus communément désigné comme marchand dans l’ensemble des archives le concernant. Sa vie nous est plutôt bien connue, documentée par quelques titres nouveaux, déclaration de domaines, ventes, quittances et baux divers. A noter qu’il est aussi cité capitaine de la garde nationale à diverses reprises.

François Guerry est né le 26 mai 1754 dans la paroisse de Salles et est le fils de Joseph et de Marie Ane Poinot. Le 16 mai 1774, il épouse Marguerite RENAUDEAU (26/07/1756, Angoulins - 05/11/1793, Angoulins) avec qui il aura 9 enfants. Après le décès de celle-ci, il convole en secondes noces, le 7 février 1795, avec Marie Françoise MORISSET (13/10/1771, Angoulins - 06/03/1837, Angoulins). De ce second lit sont issus 7 autres enfants. François Guerry décède à Châtelaillon le 21 janvier 1810.

L’audience

Le 12 février 1787, considéré comme pourvu (porteur de ses lettres), il se présente devant Aimé Delacoste [1], le sénéchal, juge ordinaire et gruyer de la haute justice d’Angoulins, désirant « se faire recevoir dans la dite charge de garde ». L’officier public entend la requête de François Guerry et émet son ordonnance pour communication au procureur fiscal.

Le réquisitoire

Le même jour, ce dernier considère les éléments du dossier. Il conclue de la sorte : « Nous procureur fiscal de la châtellenie seigneurie et haute justice d’Angoulins vu la commission de garde chasse rendues par Monsieur de Bertin seigneur de cette cour à François Guerry en l’étendue de le dite seigneurie d’Angoulins données à Chatou le 25 novembre dernier, signé de Bertin, plus bas par Monseigneur, signé de votre scellé du sceau et cachet de ses armes en cire rouge, la requête ci-dessus, l’ordonnance portant quelle nous soit communiquée en date du jour signé Delacoste, déclarons n’avoir moyen d’empêcher que le dit Guerry soit reçu garde chasse de cette châtellenie seigneurie et gruerie de la haute justice de ce bourg d’Angoulins pour ce qui est des dites châtellenie et seigneurie membre ayant dépendu et détaché de la principauté et baronnie de Châtellaillon à la charge par lui de remplir ses devoir et fonction de la dite commission (...) »

La réception provisoire et permission

Le sénéchal, au vu des conclusions du procureur fiscal, donne acte à François Guerry et l’autorise temporairement : « avons provisoirement permis au dit Guerry de faire les fonctions de sa commission de garde chasse en par lui observant les ordonnances arrêt et règlements sur le fait de la dite commission». Pour ce faire, François Guerry est invité une première fois à prêter serment « de bien et fidèlement s’acquitter de sa charge et fonctions ».  C’est alors qu’Aimé Delacoste émet une ordonnance d’enregistrement des lettres de provisions au greffe de la cour.

L’enregistrement

Après lecture et publication préalables des lettres en l’audience du sénéchal, le 13 mars 1787, celui-ci ordonne leur prise en compte afin que celles-ci soient saisies par le greffier. Il émet aussi une seconde ordonnance, rendue sur les conclusions du procureur fiscal, afin de mener une information sur François Guerry.

L’assignation à comparaitre de témoins

C’est pourquoi, le 24 mars, nous retrouvons les lignes d’un huissier qui énoncent « ai à Messire Paris curé d’Angoulins, Pierre Penard laboureur à bœufs, Louis Brisson marchand et Louis Brochet saunier demeurant tous au bourg d’Angoulins, témoins et à chacun d’eux séparément (...) leur ai donné assignation à comparaitre le 27 de ce mois à deux heures après midi par-devant Monsieur le sénéchal et juge ordinaire de la dite châtellenie d’Angoulins (...) pour déposer de vérité (...) »

L’information du sénéchal

Comme prévu, le 27 mars 1787, au parquet d’Angoulins, le sénéchal et son greffier ordinaire entendent les quatre témoins pour cette « information de vie mœurs et religion catholique apostolique et romaine de François Guerry (...) ». Pierre Penard [2] âgé de 33 ans, laboureur à bœufs à Angoulins - comme il l’a dit après serment par lui fait de dire vérité, témoin assigné à ce jourd’hui par exploit de Lacour, huissier, en date du jour de hier, qu’il nous a représenté pour dépose de vérité en la présente information, enquis sur la connaissance des parties s’il leur est parent allié serviteur ou domestique a dit le bien connaitre et n’être point leur parent allié serviteur ou domestique, et sur les faits portés par les conclusions du procureur fiscal du treize février dernier et notre ordonnance du même jour dont nous lui avons fait donner lecture par notre greffier-, dit et dépose « qu’il a de tout temps connu François Guerry pour être de bonne vie et mœurs qu’il passe dans la paroisse pour un très honnête homme et qu’il croit qu’il peut remplir très dignement son devoir de garde chasse qui est tout ce qu’il a dit savoir et lecture à lui faite de sa déposition il a persisté comme véritable et a signé » ;  Louis Brisson [3], marchand angoulinois, âgé de 33 ans, « dit et dépose qu’il a de tout temps connu le dit Guerry pour être de vie et mœurs très intègres, qu’il n’y a jamais eu dans la paroisse le moindre sujet de plainte contre lui (...) » ; Louis Brochet [4],  âgé de 46 ans, saunier habitant du bourg « dit et dépose que François Guerry est connu de toute la paroisse et de lui déposant pour un homme d’honneur ayant de bonne vie et mœurs et s’acquittant de tous ses devoirs de citoyen (...) » ; Jacob François Paris [5], prêtre curé d’Angoulins, âgé de 48 ans, « comme il l’a dit après serment par lui fait la main ad pectus de dire vérité (...) dit et dépose que François Guerry fait profession de la religion catholique apostolique et romaine et que depuis environ seize ans que le déposant est curé de la paroisse il a toujours connu le dit Guerry pour être de bonne vie et mœurs remplissant ses devoirs avec exactitude (...) »

La réception définitive et le serment

Le sénéchal émet son ordonnance de communiquer l’information au procureur fiscal le même jour. Celui-ci  conclue que François Guerry peut définitivement être « reçu dans la charge de garde des bois chasse pêche ruisseaux et terres dans toute l’étendue de cette châtellenie terre et seigneurie d’Angoulins pour en jouir aux profits y attribués ». Le marchand prête définitivement serment la main levée de bien s’acquitter de la commission de garde et d’observer les ordonnances arrêts et règlements. Le sénéchal en donne finalement acte.



[1] Jean Aimé Delacoste avocat au Parlement et siège présidial de la ville de La Rochelle, sénéchal, juge ordinaire civil et criminel de la châtellenie, terre, seigneurie et gruerie d’Angoulins et dépendances

[2] Pierre François PENARD (15/11/1753, Angoulins - 27/07/1795, Angoulins) épouse le 24/01/1780 Suzanne Louise BERNARD

[3] Louis BRISSON (1753 - 26/10/1795, Angoulins) marié le 26/09/1774 avec Marguerite BIRON puis le 16/01/1792 avec Marguerite BARILLON

[4] Louis BROCHET (12/12/1739, Angoulins - ?) épouse le 30/06/1766 Louise MARCOU

[5] curé d’Angoulins entre 1771 et 1791

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