La disette de 1812 (par Jean Joguet)

non publié (ou publié à une date inconnue dans L’écho des Sirènes)

L’année 1811 fut une année de récolte plus que médiocre dans le département de la Charente-Inférieure : le mauvais temps et les inondations ravagèrent les cantons les plus productifs. La situation de l’arrondissement de La Rochelle dont les terres étaient surtout en vignobles, était catastrophique ; les besoins étaient de 219100 hectolitres de froment alors que la récolte n’était que de 43719 d’où un déficit de 175381 hectolitres. Pour l’ensemble du département il manquait 1 million d’hectolitres... Le déficit n’était pas simplement local. Les départements de la Vendée, de la Vienne, des Deux-Sèvres qui, habituellement, comblaient celui de la Charente-Inférieure subissaient le même dommage. Les prix du blé montèrent en flèche et les boulangers ne voulurent point acheter ; ils laissèrent s’écouler vers l’extérieur, ou accaparer par des spéculateurs, une grande partie de cette précieuse denrée. Aussi, à la fin du mois de mai 1812, on manque de blé et de farine et les boulangers de La Rochelle font du pain de farine de fèves et de haricots.
Les maires sont chargés de visiter tous les greniers et de dresser un état des besoins de leur commune. En voici les résultats pour quelques communes :

Angoulins : M. Bérigaud, maire, et M Seignette possèdent les grains nécessaires à leur nourriture et à celle des vignerons métayers et domestiques... Le boulanger est encore approvisionné de 1625 kg de farine de très médiocre qualité : dès que cette farine aura été convertie en pain et distribuée aux habitants, la commune sera dans la détresse la plus déplorable. L’espoir de scier bientôt l’orge et de la faire immédiatement sècher au four arrête les plaintes arrachées par la misère.

Châtelaillon : les habitants des campagnes passent des heures entières chez les boulangers des villes à disputer un morceau de pain de farine de fèves et de haricots pour soutenir l’existence de leur famille...
Le nommé Texier avait chez lui 20 boisseaux de froment en excédent de sa consommation lesquels furent requis par M. le maire d’Angoulins et de Châtelaillon et versés dans les magasins du boulanger d’Angoulins. Cette mesure parvint à assurer la subsistance des malheureux jusqu’à la récolte de l’orge et procura des effets très satisfaisants.
Aytré : le maire a acquis la certitude que non seulement les habitants n’ont pas leur provision de blé nécessaire jusqu’à la récolte mais que les 4/5 sont forcés de passer des journées entières à la porte des boulangers de La Rochelle pour saisir un morceau de pain... Les maladies ont ruiné cette commune et la misère la plus affreuse achève d’y répandre la désolation. C’est une des plus malheureuses de l’arrondissement.

La Jarne : le maire et l’adjoint n’ont vu partout que le spectacle de la disette la plus absolue. Les propriétaires sont dépourvus comme les pauvres par la quantité de blé qu’ils n’ont cessé d’avancer à leurs travailleurs. Le four public était réduit, le 17 juin, à un sac de minot, les habitants sont dans une véritable angoisse sur la suite de ce dénuement et le peu d’espoir d’y mettre promptement un terme.

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