Le soutien royaliste à Angoulins et Châtelaillon en 1816

« Vive le Roi ! Vivent les Bourbons ! » C’est ainsi que s’exprimèrent de concert des angoulinois et châtelaillonais en 1816, à peine un quart de siècle après la Révolution française.
En effet, depuis le 8 juillet 1815, Louis XVIII est de retour sur le trône de France, marquant ainsi le début de la Seconde Restauration. Au niveau local, les édiles et habitants des villes et communes célèbrent le retour de la monarchie en passant un acte public désavouant l’exécution de Louis XVI et en déclarant leur loyauté au nouveau Roi. Pour Angoulins et Châtelaillon, ce document a pu être retrouvé par l’historien et érudit rochelais Jean-Claude Bonnin qui nous en a amicalement donné communication[1].
C’est le dimanche 18 février 1816 que le maire et les adjoints des communes d’Angoulins et de Châtelaillon[2] manifestent ainsi leur désir « d’exprimer nos sentiments contre l’horrible attentat du 21 janvier 1793 envers le Roi martyr Louis XVI et en rejeter l’infamie sur le petit nombre des factieux qui en furent les auteurs et déclarer en même temps par le présent acte le serment de fidélité à Louis XVIII notre souverain légitime à ce Prince si digne de notre amour et de notre vénération que la Providence nous a conservé ». Avec les autres signataires, ils promettent « devant Dieu le tout puissant que n’ayant jamais adhéré de fait ni de volonté aux principes d’une minorité factieuse, nous regardons la mort du Roi très chrétien Louis XVI comme le plus exécrable de tous les crimes ; reconnaissant que les fléaux que Dieu a versé sur notre malheureuse patrie en sont la juste punition. Nous jurons aussi devant Dieu et devant les hommes que tant que l’illustre race des Bourbons existera nous lui serons fidèles. Jamais nous ne reconnaitrons pour nos rois légitimes que les Princes qui en seront issus et à qui l’ordre de primogéniture en aura imprimé le caractère. Que le nom français se perde dans l’oubli plutôt que de trahir ce serment de l’honneur. »
Véritables royalistes, habiles opportunistes, ou simples suiveurs, il est difficile de connaitre la motivation des émetteurs de ce document. Mais à défaut de pouvoir percer les inspirations, il nous a toutefois paru intéressant d’étudier les signatures apposées en bas de l’acte (ou celles portées par le maire pour ceux ne pouvant le faire) afin d’identifier les quelques 70 signataires. Nous avons cru bon aussi de rechercher - dans nos dépouillements des registres paroissiaux et de l’état civil profil - dates et métiers connus de ces personnages afin d’établir un premier profil.
Voici la liste établie :

« Bérigaud » : François-Elie Bérigaud (1760-1828) maire d’Angoulins, notaire et propriétaire d’Angoulins. Signe.

« Bertin père » : Nicolas Bertin (1753-1816) tonnelier, marchand brûleur, propriétaire, cultivateur. Signe.

« Gabriel Boissard » : Gabriel Boissard (1778-1858) propriétaire, cultivateur, bouvier. Le maire signe pour lui.

« Jean Bouillu » : Jean Bouillu (1781- ?) vigneron, journalier, canonnier, cultivateur. Le maire signe pour lui.

« J. Bonnaud » : Jacques-René Bonneau (1787-1837) cultivateur, journalier, vigneron ou Jacques Bonneau (1749-1836), journalier, propriétaire, cultivateur. Signe.

 « Jean Bonnier » père et fils : Jean Bonnier (1765-1842) cultivateur, propriétaire, saunier et son fils Jean-Baptiste Bonnier (1793-1822) cultivateur, propriétaire. Le maire signe pour eux deux.

  « L. Bouet » : Charles-Louis Bouet (1774-1852) courtier d'eau de vie, tonnelier. Signe.

 « Michel Bouthier » : Michel Boutier (1786- ?) vigneron, jardinier, cultivateur. Le maire signe pour lui.

« J. Cardineaud » : Jean Cardinaud (1768-1837) saunier, cultivateur, propriétaire, laboureur ou bien son cousin Jean Cardinaud (1777-1848) pêcheur, laboureur, cultivateur, vigneron, marin. Signe.

 « Louis et Antoine Carteau » : Louis Carteau (1793- ?) et Antoine-Louis Carteau (1796- ?), frères, tous deux sauniers, cultivateurs. Le maire signe pour eux deux.

 « Chemereau Louis » : Louis Chemereau (1784- ?) cultivateur, bouvier à la métairie de Port-Punay à Châtelaillon. Le maire signe pour lui.

« Charpentié » : Jean Cherpentier (1768-1845) cultivateur, propriétaire, vigneron. Signe.

« Raymond Daudet » : Raymond Daudet ( ? - 1854) cultivateur, bouvier à la métairie d’Arzac Seignette, fermier, métayer, colon. Le maire signe pour lui.

« Antoine et Simon Denis » : Antoine-Mathieu Denis (1793- ?) et Simon Denis (1791-1842), frères, tous les deux cultivateurs et sauniers. Le maire signe pour eux deux.

« Jacques Donné » : Jacques Donné (1756-1832) cultivateur, bouvier, fermier, propriétaire, métayer de la famille Robert. Le maire signe pour lui.

 « Dupuy Jean » : Jean-Alexis Dupuis (1785-1861) cultivateur, journalier, vigneron. Le maire signe pour lui.

« Durain prêtre desservant » : non retrouvé. Le curé d’Angoulins est alors Jacob. Signe.

« J . Elie » : Jacques Elie (1765-1821) farinier au moulin de Sécheboue, journalier, boulanger, propriétaire. Signe.

 « André et Jean Esseau » : André-Mathieu Esseau (1762-1832) et Jean Esseau (1791-1831) père et fils, tous deux propriétaires cultivateurs. Le maire signe pour eux deux.

« Favre » : Pierre Favre (1759- ?). Signe.

 « Claude Feuillet » : Claude-Pierre Feuillet (1767-1830) saunier, cultivateur, tisserand. Le maire signe pour lui.

« Pierre Garreau » : Pierre Garreau (1760- ?) oropriétaire, fermier à la cabane Croisée, ou bien son fils (1792- ?) cultivateur. Le maire signe pour lui.

« Gauthier Jacques » : Jacques Gautier (1776-1831) journalier, pêcheur, marin pêcheur. Le maire signe pour lui.

« Gay » : Pierre-Gabriel Gaye (1782-1835) cultivateur, propriétaire, pêcheur. Signe.

 « Gilbert Jacques » : Jacques Gilbert (1787-1853) pêcheur, propriétaire, cultivateur. Le maire signe pour lui.

 « Henri Goujat » : Henri Goujat (1784- ?) cultivateur, canonnier, propriétaire. Le maire signe pour lui.

« Guénier Labletterie » : Pierre Guénier-Labletterie (1753-1820), propriétaire, pharmacien, apothicaire (maitre), bourgeois, cultivateur ou bien l’un de ses deux fils : Pierre Guénier-Labletterie (1789-1831) canonnier, garde-côte, cultivateur, marin, propriétaire ; Pierre-André Guénier-Labletterie (1793-1832) pêcheur à la mer, propriétaire, cultivateur, marin, soldat. Signe.

 « J. Guerry » Joseph Guerry (1775-1837), propriétaire, tonnelier, marchand brûleur, cultivateur, fut aussi adjoint à la mairie d’Angoulins. Signe.

 « René et Louis Jeanneau » : René Jeanneau (1757-1824) et Louis Jeanneau (1790- ?), père et fils, le premier journalier, cultivateur, bouvier, métayer et colon, le second journalier, cultivateur, bouvier à la Cabane Brûlée et à la cabane Rouge. Le maire signe pour eux deux.

« Pierre Jeanneau » : Pierre Jeanneau (1788-1831), fils et frère des précédents, cultivateur, bouvier à la cabane Brûlée. Le maire signe pour lui.

« Mathurin Labbé » : Mathurin Labbé (1786- ?) cultivateur à Châtelaillon. Le maire signe pour lui.

 « Lagord Benjamin » : Benjamin Lagord (1783- ?) tailleur de pierre, entrepreneur, maçon. Le maire signe pour lui.

« Laguizeray » : Pierre Laguiseray (1777- ?) jardinier, sergent canonnier, aubergiste, propriétaire. Signe.

 « Jean Laguizeray » : Jean Laguiseray (1780-1856) vigneron, propriétaire, cultivateur, jardinier, laboureur. Le maire signe pour lui.

 « David Laplaine » : Louis-David Laplaine (1791-1855) cultivateur à La Maladrerie. Le maire signe pour lui.

« Jean Laurent » : Jean-Sylvain Laurent (1758-1825) capitaine caboteur, syndic de la marine de la commune d'Angoulins, marin. Signe.

« Lemoine » : Pierre-Laurent Lemoine (1773-1816) garde-champêtre d’Angoulins et Châtelaillon. Signe.

 « Alexandre Marin » : Alexandre Marin (?- ?) cultivateur à Châtelaillon. Le maire signe pour lui.

« Marmet » : Pierre-Gabriel Marmet (1762-1836) propriétaire, cultivateur, fut aussi adjoint à la mairie d’Angoulins. Signe.

 « Martin Pierre » : Pierre Martin (1781-1859) colon, métayer, cultivateur, bouvier de la métairie du Pas des Eaux. Le maire signe pour lui.

« Massé » : Pierre-Auguste Massé (1774-1839) cultivateur, propriétaire, receveur des contributions foncières, fut aussi maire d’Angoulins. Signe.

 « Millon Jean » : Jean Millon (1777- ?) farinier au moulin du Pont de la Pierre, propriétaire, meunier. Le maire signe pour lui.

« Morisset François » : François Morisset (1788-1857) cultivateur, canonnier garde-côte, vigneron. Le maire signe pour lui.

 « Jacques Pigeonnier » : Pierre-Jacques Pigeonnier (1783-1851) vigneron, cultivateur, canonnier garde-côte. Le maire signe pour lui.

« Pelletier » : Charles-François-Alexandre Pelletier (1765-1824) instructeur de jeunesse, maitre d'école, instituteur, sergent major. Signe.

« Jean Pinet », Jean Pinet (1763-1852) saunier Cultivateur, Cultivateur saunier, Saunier, Propriétaire saunier, Propriétaire. Le maire signe pour lui.

 « Pinet » : Trois personnes peuvent correspondre : le frère du précédent René Pinet (1764-1838) cultivateur, saunier, propriétaire, ou l’un de leurs deux cousins (tous deux frères) : René Pinet (1763-1829) vigneron, cultivateur, saunier, propriétaire ; André Pinet (1777-1840) cultivateur, saunier, propriétaire. Signe.

 « Charles Poniard » : Charles-Benjamin Poniard (1786-1848) cultivateur, charpentier de gros oeuvre, charpentier. Signe.

 « Louis Poitu » : de son nom de baptême Jean Poitu (1777-1855) cultivateur, vigneron, journalier, saunier. Le maire signe pour lui.

« Poussard Pierre » : Pierre Poussard (?- ?) cultivateur. Le maire signe pour lui.

« Ravaille receveur des douanes » : non retrouvé. Signe.

« Raclaud » : Deux angoulinois peuvent correspondre : André Raclaud (1755-1828) cultivateur,  canonnier, garde-côte, vigneron, tonnelier, laboureur à bras, ou bien son fils Louis-André Raclaud (1785- ?) aubergiste, cultivateur. Signe.

« Regreny » : Honoré Regreny (1778-1833) journalier, vigneron, saunier, marin, pêcheur, caboteur. Signe.

« Robert » : Pierre-Nicolas-Magloire Robert (1792-1818) propriétaire, négociant. Signe.

« Rochet » : 5 angoulinois peuvent correspondre : le père Jean-Gilles Rochet (1745-1832) préposé, ex-préposé aux douanes retraité, ou bien quatre d’entre ses fils : Jean-François Rochet (1778- ?) maréchal-ferrant, garde-champêtre, Louis Rochet (vers 1786- ?) cultivateur,  Jean-Louis (1786 - ?) militaire, soldat retraité, cultivateur, préposé aux douanes ou Augustin Rochet (1788 - ?) cultivateur, vigneron. Signe.

 « Roudot » : Jean-Denis Roudot (1763-1822) gardien des batteries au fort de la Motte Grenet, soldat retraité. Signe.

 « Henri Savarit » : Henri Savarit (1778- ?) farinier à Châtelaillon. Le maire signe pour lui.

« Sauveur Siret » : Pierre-Sauveur Siret (1770-1847) cantonnier, charpentier, journalier, jardinier, piqueur grandes routes. Le maire signe pour lui.

« François Solleau père » : François Solleau (1755- ?), propriétaire, boulanger. Signe.

 « Alexis Texier » : Alexis Texier (1778-1860) fossoyeur, sacristain, maréchal ferrant. Le maire signe pour lui.

« Paul François Tiber » : Paul-François THIBERT (1782-1824) cultivateur, bouvier à la Cabane Brûlée, journalier. Le maire signe pour lui.

« René Veron » : René Veron (1763-1831) cultivateur, propriétaire, vigneron. Le maire signe pour lui.

« Jean François, Charles et Alexandre Veron » : Tous trois frères, cousins du précédent : Jean-François Veron (1777-1854) cabaretier, aubergiste, vigneron, mesureur des sels, propriétaire, cultivateur ;  Charles Veron (1787-1849) aubergiste, tonnelier, cafetier, cabaretier, propriétaire, cultivateur ; Louis-Alexandre Veron (1780-1839) aubergiste, cabaretier, propriétaire, cultivateur, saunier, vigneron. Le maire signe pour eux trois.  

Quelle importance représente tous ces individus dans la population de l’époque ?  En recherchant, avec des critères de discrimination retenant les angoulinois et châtelaillonais mâles, majeurs et vivants à la date de l’acte, nous pouvons établir une liste de 204 personnes. En rapportant nos 70 signataires à ce nombre nous pouvons donc évaluer à près d’un tiers de la population le poids du sentiment royaliste pour notre modeste aire d’étude[3].

Sans autre prétention, ce document aura ainsi pu illustrer, au niveau de notre histoire locale, la campagne nationale de désaveu du crime de 1793 et commencer à éclairer le profil de ceux qui, en 1816 à Angoulins et Châtelaillon, firent serment de fidélité à Louis XVIII.






Note de Denis Briand




[1] ADCM 4M 8/1
[2] les deux communes sont réunies
[3] Il serait  vain de vouloir affiner plus avant ce rapport aux différentes catégories sociaux-professionnelles : les élites, comme les négociants ou capitaines de navire, n’ayant ici que des demeures secondaires auraient signé, l’eussent-ils fait, à La Rochelle

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