Au détour des actes, l’étude des archives nous livre quelque fois une foule de renseignements sur la toponymie. Pour Châtelaillon, nous avons relevé plusieurs mentions concernant la première moitié du XVIIIe siècle et qui méritent ici d’être signalées.
Près de Saint-Jean-du-Sable (1), tout d’abord, les prés et brandes (2) se trouvent être “dans la garenne (3)“. Pour la plupart, ils sont propriété du domaine corporel (4) de la baronnie de Châtelaillon.
En cheminant vers le Sud, on entre dans le tènement (5) même du village de Saint-Jean. On y trouve : des terres incultes ou au contraire labourables (6) - mais qui sont toutes qualifiées de “sablonneuses”- des vignes, maisons, quéreux (7) et jardins.
La route emprunte ensuite le canton (8) de “la prédouce de Séchebouc”. Par ici, on relève terres labourables, moulin à vent, prés, marais ainsi que le fameux “Clos de Séchebouc”. Ce dernier nom désigne l’ancien prieuré qui appartient alors, comme toutes les terres citées dans ce canton, à la commanderie de Séchebouc (9).
Plus à l’Est, à l’approche de la “Cabane (10) rouge” (11), les levées sont cultivées “en jardinage”. On relève en ces lieux “la maison de la Cabane”, le pré dit “pré derrière la cabane”, ainsi que plusieurs anciens marais ou prés pacages (12) qui pour certains portent des appellations comme “le quarré du Fresne (13)”, “le quarré des Joncs”, la pièce “des trente journeaux”, celle “des vingt journeaux” ou celle “des vingt-sept journeaux” (14).
Plus loin (15), nous sommes à la “Cabane croisée”. Hormis les bâtiments même de cette exploitation, nous notons plusieurs pièces de prés et de marais dont ceux dits “de La Chaintre (16) “ et “Le Grand quarré”.
Une autre entité agricole jalonne la route menant vers le Sud : “la métairie du Rillon”. Concernant ce lieu, nous pouvons lister la terre appelée le “quarré des tamarins (17)“, celle “des pierrailles” et plusieurs marais dénommés (comme c’était le cas à la Cabane rouge) “quarré du Fresne” et “quarré des joncs”. De plus, plusieurs prés pacages se trouvent dans les environs immédiats des bâtiments et servitudes de la métairie. A proximité encore, on note, “le jardin du métayer”, un ensemble d’arbres appelé “le petit bois” ou plusieurs mottes en jardinage ou en pré dont l’une est dite “du petit bois”. Enfin, tout autour, les cultures de la métairie se font sur les terres labourables dites “des Sables” et “des chapitres”.
Localisés au “Canton près du Rillon”, on relève, sans dénomination particulière, plusieurs terres labourables ou sablonneuses, un pré naturel, une motte. Par contre, sont désignés nommément : un pré noyé appelé “la pièce des bossioux (18)”, un pré rouchain (19) dit “pré à la cure (20)“, un pré ou motte appelé “le pré Chaport”, un marais noyé dit “La Prise d’Amboise”, un marais mouillé (21) et un pré tous deux connus comme “les prés de Vault”, un pré-marais appelé “le pré brûlé” et enfin des bossioux regroupés sous le nom de “La bourdinière” et qui dépendaient alors de la métairie de La Minée.
Suit le foncier du “canton des Grands prés” baptisé aussi “canton des marais noyés”. On y trouve motte, terre sablonneuse, prés, bossioux, marais gâts, marais, prés-marais, prés agâtis (22), prés rouchains et quelques bâtiments et “jardinages”. En ce lieu, plusieurs autres pièces de prés, dépendant de la métairie de La Minée, portent des appellations qu’il faut ici signaler comme pour “Les Ronduires” ou “le pré de la demoiselle”. A noter enfin, dans ce canton, deux prés bourrés (23), l’un dépendant de la commanderie de Séchebouc, l’autre connu sous le nom de “pré Camus”.
Le petit “Canton de Puyneuf”, proche du Canton de la Cabane des Pères, ne comporte seulement que deux prés et une terre : “Le pré sablon” appartenant à la fabrique (24) de l’église paroissiale de Châtelaillon, “le pré clos” et la terre “des Sables” appartenant quant à elle aux religieux du Collège royal de La Rochelle.
Comme le suggère le toponyme, c’est à ces derniers qu’appartient aussi tout le foncier du canton dit “de la cabane des Pères”. Outre les bâtiments, le logement et le jardin potager de la cabane, l’endroit présente plus d’une demi-douzaine de marais dont “le quarré de la marée”, “le grand quarré”, “le quarré des barges”.
Les religieux possèdent enfin deux marais dans “le canton des marais desséchés de Châtelaillon”. Ce canton présente encore bien d’autres marais (25) appartenant à des particuliers mais aussi une pièce appelée “Les cordées” (26) qui relève du domaine corporel de la baronnie de Châtelaillon. A noter que ce patrimoine seigneurial sera cédé à la Révolution comme bien national et l’examen des minutes des ventes nous apprend comment “les Cordées” étaient alors composées : cinq pièces (27) de prés dont deux de 10 journaux, et une troisième comptant 6 journaux laquelle est appelée “Les Grandes Cordées”.
Notes :
1. ancienne désignation de Saint-Jean des Sables entre Angoulins et Châtelaillon.
2. nom des landes où croissent des plantes telles que la bruyère, les fougères, les genêts et les ajoncs.
3. la garenne est le lieu de garde/de réserve seigneurial où le maître de Châtelaillon avait des droits prohibitifs.
4. c’est-à-dire l’ensemble des terres et immeubles dont le baron de Châtelaillon est assimilé à un propriétaire, par opposition au domaine incorporel qui désigne ses droits et redevances ou alors il a un rôle de souverain.
5. ce terme désigne un ensemble de terres qui se tiennent / sont d’un seul et même tenant.
6. c’est à dire qui peuvent être mise en culture puisqu’elles sont propres à être labourées.
7. places vagues entre les maisons
8. ce terme désigne là une portion de terroir. On le trouve aussi employé dans les bourgs et il veut alors désigner un carrefour, une place commune.
9. du nom du fameux établissement rural de la communauté monastique templière.
10. les entités agricoles du marais sont par chez nous désignées sous le nom de cabanes.
11. lieu de l’actuel Ball-Trap.
12. lieux de pâture.
13. sans aucun doute du nom du frêne qui devait y trôner.
14. 20, 27, ou 30 journaux : ces terres tiennent leur nom de leur superficie, entendu qu’un journal de terre contient la superficie qu’un homme peut travailler (faucher ou labourer) en une journée.
15. actuellement à l’entrée de Châtelaillon, proche de la station d’épuration
16. peut-être du nom de cette bande terre non cultivée laissée autour des champs
17. comprendre tamaris, ces arbrisseaux que l’on rencontre beaucoup sur le littoral aunisien.
18. terme du marais qui désigne aussi les bossis ou bosses, ces levées de terre qui compartimentent les bassins de la saline
19. on trouve aussi «rouchier» : c’est en fait l’adjectif qui désigne un pré/marais où croissent les rouches (roseaux des zones marécageuses)
20. pré qui est au bénéfice du curé
21. imbibé d’eau
22. à bestiaux
23. prés qui fournissent des fougères, ajoncs, bruyères...
24. tous les biens qui appartiennent à une église paroissiale et qu’un conseil de clercs et/ou de laïcs est chargé d’administrer
25. actuellement tous connus sous le nom de marais d’Angoute
26. toujours présente sur la carte IGN, vers le refuge de la Société Protectrice des Animaux.
27. ADCM - Q 176 n° 448, 469, 522, 567.
par Denis Briand
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